Bien que les environs furent fort probablement déjà occupés par les Celtes (entre le VII ème siècle avant Jean-Claude et le même siècle mais après J.C.), la première mention écrite du domaine remonte au 22 juin 1227 lorsque l'écuyer royal "Kojata z (Hněvina) Mostu" ("Kojata von Brüx" dans les anales germaniques) lègue sur son testament ses domaines, dont justement "Přerov nad Labem" à un certain Conrad (!? j'connais pas). Ensuite on ne sait plus rien d'écrit, sinon qu'en 1266 le propriétaire aurait été "Ranek z Přerova" (!? j'connais pas) puis en 1279 "Matouš z Přerova" (!? non plus j'connais pas). Il semblerait que ces bougres étaient liés d'une certaine façon au couvent de "Břevnov" lequel avait, semblerait-il, le domaine en exploitation (louage, fermage, métayage, escroquage...). En fait, selon la légende, "Přerov nad Labem" était le centre de gestion du domaine de "Libice", alors propriété principale de la fameuse famille "Slavníkovci" qui fut sauvagement génocidée par les "Přemyslovci" (Septembre 995, à "Libice") afin que les Prémyslides prennent définitivement le pouvoir absolu sur toute la Bohême (mais c'est une autre historie). Et justement, ben St Adalbert ("sv. Vojtěch" en Tchèque) de la famille "Slavníkovci", second évêque de Prague, aurait en 993 fait don du domaine de "Přerov nad Labem" (entres-autres domaines) au couvent de "Břevnov" afin d'assurer aux bénédictins une rente régulière (z'avaient qu'à travailler ces faigants de moines). Maintenant ce n'est qu'une légende, certes confortée par moult histoires attenantes, mais aucun écrit ni aucune archive corroborant (ni infirmant) ces récits n'existe.
Bref... vers le milieu du XIII ème siècle, il se trouvait déjà en ce domaine un fortin (une tour fortifiée) qui fut augmenté fin XIV ème siècle par une métairie d'imposante dimension (un édifice carré de côtés 40 à 45 m). Enfin sur les plans, parce qu'en l'époque (vers 1380) le building était loin d'être terminé (c.f. "Dobroslava Menclová, České hrady"). Ben tiens, les moines vivaient à "Břevnov", et sans réelle maîtrise d'oeuvre à coups de pieds aux culs journaliers, les ouvriers glandaient de la flemme. C'est alors que l'abbé du moment (et du couvent de "Břevnov") se décida de franchir la vitesse supérieure. Vers 1440, il mit sur les terres de "Přerov nad Labem" un régisseur en la personne de "Michal Drštka ze Sedlčánek", avec mission de faire hâter les travaux, quitte à licencier sans préavis ceux qui ne rempliraient pas les 35 heures hebdomadaires de loyaux labeurs. "Michal" n'eut pas beaucoup plus de succès que les moines. En 1420, "Petr z Trkova" lui succéda succinctement car il y eut les guerres hussites, et c'est cette fripouille de roi hongrois Sigmund (enfin Tchèque de naissance, mais roi de Hongrie) qui récupéra le castel. "Ah ouais, super, merci les gars. Qu'est-ce que tu veux que je fiche d'un truc pareil même pas terminé?" qu'il z'y dit le roi. Du coup l'édifice fut refourgué en 1437 à "Jindřich ze Stráže" (qui deviendra plus tard le plus haut intendant du royaume), avec suggestion insistante d'en terminer avec ce foutu chantier sans fin. Bon, il n'en fut rien, parce qu'avec son énorme boulot dans la fonction publique qui lui bouffait quelques prodigieuses 12 heures hebdomadaires de son temps précieux, ben il n'avait pas le temps de surveiller cet inerte chao qui somme toute ne représentait qu'une petite partie de tous ses biens. Puis [...] propriétaires marginaux [...] puis le Sieur "Jan ze Šelmberka" entra en scène. Il s'investit à pleine main dans son domaine de "Přerov" (en 1484 il signait déjà "Sieur de Šelmberk à Přerov") et en 1499, le bourg reçu ses propres armes (écusson, emblème, blason...), droit d'organiser marché hebdomadaire, faire commerce de peaux (de vin) et chasser la gallinette. Pour mémoire, "Jan ze Šelmberka" posséda également le fameux château de "Bouzov", genre que vous le sachiez. En fait, c'est sous son fils "Jindřich ze Šelmberka" que la construction fut réellement terminée et vendue en 1524 sous l'appellation officielle signée devant notaire de "château". En 1560, "Bonifác Wolmut" soumit un projet de restauration du bâtiment, et même si les sgraffites rappellent grandement une autre de ses oeuvres, la salle du jeu de paume dans les jardins du château de Prague ("velká míčovna v Královské zahradě"), c'est "Matteo Borgorelli" qui gagna l'appel d'offre car ce grand génie visionnaire et phénoménal marketing manager incorpora un élément prodigieux, extraordinaire, et magistralement attractif dans sa proposition, une bonne brasserie qu'il édifia en 1568. Du Matteo, je vous en reparlerai plus en détail dans le cadre d'une publie sur "Brandýs nad Labem". A partir de 1574, c'est "Ettore de Vaccani" qui prendra la suite de la (restau+amélio)*ration, et il s'y collera tellement bien dessus qu'il en prendra pour plus de 30 ans, jusqu'en 1605, sur tout le domaine, donc brasserie, moulin, dépendances compris (pareil, Ettore, sine die, avec "Brandýs nad Labem"). Une fois tout ce chantier remis en ordre et finalement terminé, l'on se retrouva globalement avec l'édifice que l'on peut encore contempler en partie aujourd'hui, lorsqu'on regarde sous le bon angle. Un presque carré de 2 étages, posé sur un petit monticule entouré de douves pleines d'eau (à l'époque) et somptueusement décoré de splendide sgraffites et de bossages (Trésors de la langue Française: Bossage, ARCHIT. Saillie laissée à la surface d'un ouvrage de pierre ou de bois, pour servir d'ornement, pour y faire quelque sculpture ou y placer une statue. Façades à bossages). Pis survint la guerre de trente ans, avec ses dévastations, ses pillages, ses maraudeurs Suédois, et en 1639 l'on posa la cerise sur ce qui restait du gâteau, les troupes vandales du général pillard "Johan Banér" qui incendièrent les domaines royaux des environs jusqu'à la racine, sans oublier notre domaine de "Přerov nad Labem", bien entendu. Celui-ci resta en ruine jusqu'en 1671, lorsque l'on confia à l'architecte "Santino de Bossi" la difficile tâche d'évaluer les dégâts et d'estimer les coûts de réparation. Parenthèse. Du "Santino", vous n'en entendrez parler que rarement car il oeuvra principalement en second couteau sous la houlette d'autres génies comme "Carlo Lurago". Il nous a cependant laissé 2 palais baroques à "Malá Strana", les palais "Oettingen" (parfois "Öttingen"), dit "Oettingenský palác", et le palais "Špork" dit "Šporkův palác", mais également quelques bidouilles sur le château de Prague et les fortifications de la ville. Fin de parenthèse. En conclusion et conséquence du passage des primitifs Suédois, ben du joli carré se sont totalement effondrées les ailes nord et ouest, ainsi que la partie nord de l'aile sud comprenant les appartements impériaux (de Jane Hérault... ouah dis donc, c'est hyper fort ça, ...riaux de Jane Hérault). Ces parties ne seront jamais reconstruites, et ce trou béant est bien visible si vous allez à l'opposé du parking (gratuit, si si) où vous avez garé votre véhicule. En regardant dans ce trou laissé par les Suédois (fumiers), vous pourrez voir une tourette octogonale de l'époque "Ettore de Vaccani" (fin XVI ème siècle). En 1775, les gueux locaux remirent une couche de pillage lors de la révolte (des gueux), et mi-XIX ème siècle il ne restait guère plus que l'aile sud encore debout. A partir de 1870, l'archiduc Louis-Salvador de Toscane tombe amoureux des ruines, et entreprend de leur rendre leur apparence d'antan (reconstruction entre 1872 et 1873), d'avant la vermine suédoise, d'à l'époque renaissance du XVI ème siècle. Après sa mort, le proprio Louis-Salvador sera succédé par François-Joseph (premier) qui sera succédé par Charles (premier aussi) puis par la guerre mondiale (première toujours), puis les propriétés habsbourgeoises seront étatisées et notre beau château servira de cercle au YWCA, l'équivalent féminin du wouayèmessieille (YMCA) sur lequel je m'éclate comme un furieux depuis 1978 lorsqu'il passe trop rarement en boîte d'ennui. Pis d'autres proprios, pas importants, puis en 1958 c'est la radio tchécoslovaque ("Československý rozhlas") qui s'en sert comme archives, et qui finit par l'acquérir au point qu'elle en est encore aujourd'hui le propriétaire. Selon certaines informations, l'acquisition, c'est-à-dire l'achat, eut lieu en 1982, mais chuis particulièrement sceptique car en cette période, la propriété privée n'existait pas... enfin presque pas, ou pas officiellement. La seule chose qu'on pouvait acheter, c'était un bail au goulag pour une période de 10 à 100 ans, mais une propriété privée... Bref... Fait remarquable à signaler durant la sombre époque totalitaire, le castel fut restauré entre 1959 et 1960, et c'est durant cette remise à neuf que l'on découvrit les fantastiques sgraffites qui furent planqués au XIX ème siècle sous une couche de crépi afin de faire une surprise aux générations suivantes. Les sgraffites représentent des personnages bibliques et laïques dans des mises-en-scènes congrues (c'est parce que chais pas quoi vous dire d'autre :-) mais aussi des fruits et légumes, des motifs géométriques, et des animaux. L'intérieur contiendrait encore quelques éléments gothiques (portillons anticlinaux [quand sa convexité est tournée vers le ciel], en ogive, bref... gothiques), des éléments renaissance (boiseries plafonnales, portes marqueterielles, cheminées
Et pour se terminer, quelques légendes d'un bon cru, bien crues, du cru (de "Přerov nad Labem"). Celles-ci se rapportent à notre St Patron Adalbert ("sv. Vojtěch") qui marqua profondément la région de sa sainte présence. En l'époque, St Adalbert voyageait souvent de son évêché d'à Prague vers son domaine familial de "Libice", et en l'époque toujours, avant que n'existe l'autoroute vers l'est "Praha - Hradec Králové", ben notre saint marchait à pied. Il était habitué, il avait vu "Emil Zátopek" à la téloche aussi il chopa rapidement la technique du fameux déhanchement caractéristique de la discipline, et pouvait parcourir des dizaines de kilomètres dans la journée. Puis il avait aussi l'habitude des distances, car en 988 il avait rendu visite au Pape à Rome, toujours à pied, soit 1316 km l'aller, dont 1282 sur autoroute avec un coût de péage de 42,20 € selon ViaMichelin, alors vous pensez bien, Prague - "Libice", 60 malheureux kilomètres, une bonne paire de Nikidas et hop, la distance était honnêtement torchée en 2 jours et 3 coups de cuillère à pot. Sauf que la marche intensive oui, mais fallait s'abreuver régulièrement. Or St Adalbert n'était pas du style à s'encombrer de boissons énergétiques et de barres caloriques. Aussi lorsqu'il avait soif, il posait son séant là où qu'il était, plantait fermement des 2 mains son alpenstock dans la terre, et oh miracle, l'eau jaillissait du sol, une belle eau bien cristalline, potable et même pétillante s'il voulait, avec des glaçons et du sirop de grenadine dedans. Et justement, ben un jour c'est ce qu'il fit dans un champ à "Přerov nad Labem", et quelques mille ans plus tard l'on construisit en souvenir une petite chapelle au dessus de la source d'eau qui jaillit encore et toujours aujourd'hui, grâce à St Adalbert (mais sans la grenadine, épuisée). Sauf qu'avant ce miracle, avant même qu'il ne soit évêque, genre quand il était encore jeune frocard novice, imberbe et tudiant, ben l'Adalbert n'était pas connu, de personne. Sans réel boulot, il vivait chichement de maigres revenus, une confesse de ci, une communion de là, et son allure comme sa tenue vestimentaire étaient en accord avec ce dénuement financier. Un jour, alors qu'il s'en revenait comme ça de Prague où il se rendait régulièrement pour trouver du boulot à l'ANPE, il passa comme d'habitude par "Přerov nad Labem". Il avait l'air d'un va-gabond va-nu-pieds couche-dehors crève-la-faim et mouche-ton-nez, le pauvre bougre. Alors les gosses commencèrent à se moquer de lui, les chiens lui aboyaient dessus, les vieilles le montraient du doigt tandis que les vieux crachaient sur lui, jusqu'au moment où les habitants finirent par le rosser afin qu'il quitte le village. "Mets-lui, mets-lui...", "sur la tête le gourdin...", "bien derrière les oreilles, un grand coup..." pouvait-on entendre. Lorsque plus tard l'Adalbert devint la notoriété d'aujourd'hui, les habitants honteux de leur ignoble comportement décidèrent de faire repentance en organisant à chaque fête de la Ste trinité (jour de la Pentecôte) un opulent banquet pour tous les va-gabonds va-nu-pieds couche-dehors crève-la-faim et mouche-ton-nez qui se trouvaient alors dans les environs. Bien entendu, la rumeur se rependit rapidement parmi les clopinards de la Bohême, et les jours de Pentecôte, ce sont des bus, des trains, des cargos entiers qui déversaient leurs chargements de pouilladins, de trèpeligours, d'hurlubiers, de fourneautins et de merlifiches tend-la-main dans les rues de "Přerov". Et ces bougres là étaient gracieusement et copieusement fournis-nantis par les habitants de pain, de charcuterie et de bière fraîche jusqu'à complète satiété (comme sur les vols affrétés par Air-France, pareil). Cette tradition se perpétua longtemps (pas chez Air-France), mais plus elle se perpétuait, et plus la Pentecôte à "Přerov nad Labem" ressemblait à un obscènes rassemblement de gomorrhéens dipsomaniaques aux bacchanales orgiaques de l'oktoberfest. Aussi en 1783, le bourgmestre y mit un terme, et remplaça l'annuelle "garden-party" par une miséricordieuse obole aux nécessiteux de la commune uniquement, laissant les notions de "nécessiteux" et de "de la commune" à la rigoureuse appréciation d'une commission de Sieurs. La tradition du jour de la Ste trinité prit fin lorsque, comme le rapporte le fameux anecdotier chroniquer et bailli de "Milčice", "František Jan Vavák": "... se sjeli páni do Přerova a dobrý díl té almužny snědli a vypili sami“ (... se retrouvèrent les Sieurs à Přerov, puis ils mangèrent et burent eux même une bonne partie de l'aumône).
Pour l'anecdote, le bailli de "Milčice" était un rustique bougre champêtre issu des entrailles de la terre, qui reçu suffisamment d'élevage pour comprendre l'architecture, les sciences de la terre, la politique mondiale, soigner les coliques des chevaux et optimiser la culture des abeilles atteintes du syndrome de la "Marie-Céleste". Lettré, sociable, opiniâtrement conservateur et obstinément catholique jusqu'à l'absolue débilité, il s'était forgé une réputation de bon paysan dans toute la Bohême en défendant corps-et-âme les intérêts agricoles dans les négociations intersyndicales et intergouvernementales (à l'instar d'un certain José). Doté d'un évident humour à la "brave soldat Švejk", mais d'un entêtement obtus d'âne bâté pour ce qui touche des "idées nouvelles", ses écrits comme ses poésies sont un pur bonheur pour ceux qui lisent le Tchèque ("Paměti Františka J. Vaváka, souseda a rychtáře milčického z let 1770–1816"), et dieu sait que ce drôle de fichtre était prolixe, car comme il se plaisait à dire: "zlatá věc jest paměti sepisovati" (précieuse chose que mémoires rédiger). Notre comprend-tout s'en est même allé jusqu'à commenter (blâmer, vitupérer, fustiger...) la révolution française dans ses écrits "Tma ve dne jak v noci na rozumu lidském v národu francouzském učiněná po všem světě rozhlášená, Praha, 1796" (Les ténèbres de jour comme de nuit sur la raison humaine, au sein du peuple français façonnées, sur le monde entier répandues). Dommage qu'il n'y ait pas de version française et Internet, c'est truculent. Je vous ai cependant trouvé un extrait de ses commentaires sur les fabuleux ouvrages des philosophes des lumières dans "Naši mužové, Jan Erazim Sojka". C'est énorme, en Tchèque malheureusement, mais énorme, dommage qu'il n'y ait pas de traduction. Tiens, si je m'ennuie une fois à la retraite... Voilà, je ne vais pas vous en dire plus, parce que j'ai dit tout ce que je savais, donc comme dit, ne faites pas un détour pour vous rendre à "Přerov nad Labem" parce que le castel ne se visite pas (encore que si vous êtes dans le coin, admirez le splendide extérieur), mais si vous souhaitez voir le "Skanzen", ou le musée du vélo-moto (dans le coin aussi), alors n'oubliez pas le château.